Je m’enfoncerai dans les trous de la plaine
dans la tourbe où s’encaquent les errances effrayées des bisons
meuglant la découverte limitrophe de l’immense pays azuré.
Ma main caressera le sommeil de brume à ras de terre pour que s’incarnent
dans le brasier des hautes herbes et des marécages fumants
mes yeux ouverts.
Je m’aspergerai des senteurs de la terre pour m’amener de force même
à ce qu’il y a d’absolu en moi — je suis de terre et d’histoires.
Tout ce qu’il y a de surnaturel et d’imaginé existe
depuis l’instant où je me suis mise à genoux
pour toucher l’eau et le feu. Je me détache de la brume et de sa moiteur.
Dans la poitrine (l’ouverture béante du ciel) où je plonge le regard
je cherche la surface ardente
pour brûler les images du monde et de ses objets.
Ô miroir au fond de moi !
l’onde des bras tendus, assoiffés d’amour, se tord et se réfléchit.
à ta surface en une répétition infinie. La vie est mortellement atteinte.
Mais dans la vision tapie sous terre
ce n’est rien de plus qu’une impression du chaos
en moi.
Louise Fiset, «Image virtuelle des hautes herbes», Soul Pleureur, Éditions du Blé, 1998.